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Un vieux métier toujours d'actualité, le tonnelier

Le métier de tonnelier existe depuis plus de 2 millénaires et est toujours actuel puisque bon nombre d'artisans le pratiquent encore. Si, dans le détail, les techniques ont évolué par rapport aux nouvelles technologies, la conception de base de la barrique ou du tonneau est restée la même et il faut bien reconnaître que seul le maître artisan est capable de mener à terme, à la perfection, ce type de réalisation, grâce à la transmission de la tradition, de génération en génération.

1. Origines

La vigne, et par là-même la culture du raisin, existe depuis des temps immémoriaux. La science nous a prouvé que la vigne existait déjà au Mésolithique, mais que c'est à la fin du tonnelier1Néolithique que les premières méthodes de vinification "évoluées" ont déjà vu le jour. Les premières dynasties Egyptiennes il y a 5000 ans, déjà cultivaient la vigne.

Dans la mythologie, il est dit que Dyonisos avait appris aux Grecs à cultiver la vigne et à en tirer le vin mais ce sont les Romains qui ont contribué à l'extension de la vigne puisqu'ils l'introduisaient abondamment dans toutes les régions qu'ils conquéraient, même si elle était déjà présente sur les côtes méditerranéennes bien avant l'arrivée des Romains.

Durant toutes ces époques, le vin était transporté et conservé dans des récipients tels que des outres en peaux, des vases ou amphores en terre cuite.

tonnelier5Ce sont aux Gaulois que l'on doit l'invention du tonneau, aux environs de l'an 700 avant J-C et du même coup le procédé d'élevage des vins pratiqué encore actuellement pour la plupart, dans le monde entier. A noter que selon d'autres sources, les Etrusques seraient à l'origine de la barrique. Le débat est ouvert!

On peut donc se demander pour quelles raisons nos ancêtres les Gaulois ont imaginé un montage de bois difficile à réaliser.

Nul ne peut vraiment le dire mais il faut bien avouer, et nous le savons maintenant, que le bois joue un rôle primordial dans l'élevage de nos vins par rapport à la formation du "bouquet", dit "tertiaire" qui intervient au cours du vieillissement en fût. 

 Au niveau de la conception même du tonneau ou de la barrique, on peut aisément déduire que les Gaulois se sont inspirés de la technique de fabrication des coques de bateauxtonnelier-14-03-p, dont les bois étaient traités et assemblés de manière à garantir une étanchéité parfaite.

Aucune modification importante n'est intervenue depuis cette époque au niveau des techniques de base de fabrication. Par contre, la façon de concevoir le travail s'est sensiblement modifiée. Aux outils traditionnels ont succédé progressivement des outils plus moderne mais le travail reste artisanal et chaque tonneau est réalisé grâce au savoir du "maître artisan ".

 

 2- Les différentes étapes de la fabrication d'une barrique

 

1. Préparation des douves

Cette première étape est, sans qu'elle n'y paraisse, une des plus importante quant aux chances de succès de la réalisation future.
Il s'agit du choix des bois pour la confection des douves. Les tonneaux, dans leur grande majorité sont faits en bois de chêne. La provenance du chêne dépend du type de vinification d'une part et du prix de revient d'autre part.
Les billes sont toujours coupées en fonction de la longueur désirée et fendues dans le sens des fibres. Les douves sont ensuite numérotées en vue de leur futur montage. (fig.1)

 2. Fabrication des cercles

Du suif en boule est alors appliqué sur chaque tranche de bois. (Le suif est utilisé pour colmater et garantir l'étanchéité). Cette opération est provisoire et le suif disparaîtra lors de la confection définitive.
Les cercles en fer sont confectionnés et mis en forme en fonction de la grandeur de la barrique (fig 2)

3. Mise en place

Les deux premières douves sont fixées au premier cercle, l'une en face de l'autre à l'aide de serre-joint et toutes les autres sont mises côte à côte, selon leur numérotation. A noter que le suif, dont les douves ont été enduites sur la tranche sert également de "colle provisoire". (fig3)

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fig 1                                                                fig 2                                                         fig 3

4. Cerclage 1

Un deuxième cercle, légèrement plus petit, est ensuite glissé sur les douves à l'aide de la "chasse" sorte de coin, enfoncé avec la masse ou le maillet.
A la base du montage, les douves laissent des jours importants entre elles; ce qui est normal puisqu'elles sont façonnées de manière à pouvoir être courbées et se rejoindre bord à bord en donnant l'aspect ventru de la barrique ou du tonneau. (fig 4)

 5. Cerclage 2

Pour se faire, un brasero est installé à terre, au centre du tonneau et est alimenté régulièrement en prenant garde que le feu ne soit pas trop violent. Conjointement à cette opération la coque de la barrique est humidifiée tout aussi régulièrement.
La conjugaison de ces deux pratiques permet de rendre les douves plus malléables. La partie évasée du fût est alors enserrée avec un câble tendu à l'aide d'un instrument à manivelle jusqu'à ce que les douves se rejoignent également de ce côté. (fig 6)

 6. Mise en forme

Le tonneau est ensuite retourné plusieurs fois et de nouveaux cercles sont enchâssés afin de donner à la coque sa forme définitive en suivant le galbe des douves de manière à ce que, peu à peu celles-ci se rejoignent. La barrique est ensuite couchée et un feu de copeaux est allumé à même les douves; elle est tournée lentement sur elle-même afin que flammes et braises n'épargnent aucune douve. Les douves noircissent mais ne brûlent pas.
Cette opération peut durer d'une demi-heure à 7 heures selon les dimensions de la barrique (fig.6)

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fig. 4                                                              fig. 5                                                        fig. 6

7. Pose du fond 1

Celui-ci est calculé et préparé selon les dimensions souhaitées.
Un rainurage est effectué sur le fond du tonneau. La coque est ensuite retournée et la même opération est réalisée de l'autre côté pour préparer la pose du front de la barrique. Une fois le rainurage terminé, des cercles sont retirés afin de rendre les douves plus flexibles et le fond est "forcé" dans sa rainure. Divers ajustements sont effectués de manière à ce que le fond occupe parfaitement sa place avant que le cercle ne soit remis (fig.7)

8. Pose du fond 2

Ce "second fond" est identique au premier sauf que c'est dans ce dernier que l'on placera la "portelette" qui recevra la "bonde" et le "guillou".
Ensuite le travail est identique à la pose du fond sauf que l'ouvrier le plus mince se laisse enfermer dans la barrique; le front est alors ajusté à coup répétés, autant de l'intérieur que de l'extérieur.
Une fois cet ajustage terminé, le "prisonnier" sort par l'ouverture qui sera bientôt bouchée par une portelette, munie de la bonde et du guillou. (fig 8).
La barrique est maintenant terminée.

9. Et pourtant

Tout sera cependant démonté; les pièces seront à nouveau alignées, numérotées et transportées sur un camion jusqu'à la cave du "client-vigneron" où elles seront une nouvelle fois ajustées dans les règles de l'art avant que la barrique ne repose pour longtemps sur des supports en bois spécialement préparés pour la recevoir.
Il n'est pas exclu que ces barriques soient, plusieurs dizaines d'années après, à nouveau démontées pour procéder à diverses réparations ou même qu'elles soient revendues à d'autres vignerons pensant que ces augustes bois transmettront un peu de leur "savoir" de leur "âme" à leurs propres vins! (fig. 9)

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 fig. 7                                                               fig. 8                                                    fig. 9

La tonnellerie helvétique mise sur la qualité

La Suisse ne compte guère que trois ou quatre véritables tonneliers qui confectionnent annuellement quelque 600 à 700 barriques alors que plusieurs milliers sont importées, surtout de France.tonnelier-14-10-p

Dans le but de vivifier un métier qui aurait tendance à disparaître, l'école d'ingénieurs de Changins a effectué un grand travail. Grâce à une recherche accomplie sur toute la filière chêne, une rigoureuse traçabilité est désormais disponible.

Il s'agissait tout d'abord de vérifier si la Suisse possède des chênes en quantité et qualité suffisantes puisque seuls deux types de chênes sont recherchés pour l'élevage de vins en fûts.

Il faut signaler à ce sujet qu'un chêne a besoin de 150 ans avant d'atteindre la taille adéquate. La France dispose de suffisamment de chênes grâce notamment aux chênaies plantées par Louis XIV qu'il destinait à la fabrication de bateaux de guerre.

Il apparaît que les forêts de chênes du pays sont suffisamment amples pour alimenter le marché. C'est maintenant une question de temps. Il faudra des années d'expérience pour que le chêne suisse acquière la renommée visée. 

André Beuret

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Références et liens